Le décret-loi de tarifs douaniers de 25 % du président Trump sur tous les biens importés du Canada (à l’exception de 10 % sur les produits énergétiques) n’a pas été une surprise complète, mais l’immédiateté de la politique obligera maintenant les marchés à rajuster les prix dans toutes les catégories d’actif. Les tarifs douaniers supplémentaires sur les biens importés du Mexique et de la Chine, ainsi que les mesures de représailles des trois pays touchés, donnent à penser que, à moins d’une rétraction rapide, une guerre commerciale prolongée, mesurée en mois ou en trimestres, pourrait être imminente, ce qui aurait une incidence importante sur toutes les économies, en particulier en Amérique du Nord. Fait important, le Canada ne prend pas encore des mesures de représailles dollar pour dollar, ce qui donne à Trump et à son administration certaines portes de sortie et voies de désescalade.
L’incidence des représailles tarifaires sur l’économie américaine pourrait être moins grave, mais elle aura certainement lieu. L’économie américaine évolue à un rythme soutenu, de sorte que les États-Unis peuvent se permettre d’encaisser plus de coups que le Canada ou le Mexique sur le plan de la croissance. Les données bien médiatisées donnent à penser que les modèles de la Réserve fédérale américaine prévoient une réduction de 1,2 % de la croissance du PIB réel et une hausse de 0,7 % de l’inflation. Par conséquent, la Fed devrait être plus lente à ajuster son taux des fonds fédéraux, de sorte que nous devrions nous attendre à peu ou pas de changement à court terme en raison des tarifs douaniers. Si la croissance économique ralentit plus que prévu et le taux de chômage aux États-Unis grimpe, les attentes à l’égard des taux directeurs de la Fed pourraient être revues à la baisse.
La Banque du Canada (BdC) a récemment tenu une réunion et a expliqué comment elle pourrait réagir si les États-Unis imposent d’importants tarifs et le Canada riposte de même. Les guerres tarifaires peuvent entraîner une stagflation : une hausse de l’inflation et une baisse de la croissance réelle. La BdC sera probablement d’avis que l’écart de production de l’économie s’élargira à moyen terme, ce qui entraînera un bond du chômage, un recul des salaires et, ultimement, un repli des prix. Si c’est le cas, la BdC pourrait juger de plus en plus probable que l’économie entre en récession modérée ou grave au cours des 12 prochains mois, la croissance du PIB réel devenant négative. Dans ce cas, nous nous attendons à ce que la BdC commence à abaisser son taux au plus tard à sa réunion de mars, et il ne serait pas surprenant qu’elle décrète une baisse de taux supérieure à 25 pb.
Le dollar canadien, déjà durement touché par la menace de tarifs douaniers au cours des derniers mois, a encore cédé 1 % lundi. La réaction ultime du dollar canadien aux droits de douane dépendra des facteurs suivants :
- Si les tarifs sont permanents ou temporaires. Les tarifs douaniers pourraient être réduits avant leur mise en œuvre, potentiellement en raison des négociations entourant un projet de loi concernant la frontière canadienne. Ils pourraient également se révéler de courte durée, en raison d’une entente bilatérale entre les États-Unis et le Canada au cours des prochains mois ou de contestations juridiques entourant le recours de Trump à l’International Emergency Economic Powers Act. Dans les deux cas, le dollar canadien devrait récupérer la majeure partie de ses pertes récentes. En revanche, si ces tarifs douaniers d’« urgence » entraînaient une renégociation acrimonieuse de l’AEUMC, le taux de change de juste valeur du dollar canadien se situerait à un nouvel équilibre sous la barre des 0,67 $ US.
- Si le Canada (et d’autres pays) ripostent aux tarifs douaniers américains. Les tarifs douaniers déséquilibrés – tarifs douaniers universels des États-Unis et tarifs douaniers ciblés du Canada – ont exercé des pressions supplémentaires sur le dollar canadien. Le recours du Canada aux restrictions à l’exportation du pétrole à titre de mesure de représailles (ce qui est peu probable en raison de l’opposition de l’Alberta) entraînerait une dépréciation accrue du dollar canadien. En revanche, des tarifs douaniers de représailles élevés à l’importation du Canada et d’autres pays ciblés pourraient contribuer à stabiliser leur devise par rapport au dollar américain.
- Si les États-Unis passent des tarifs bilatéraux aux tarifs internationaux universels. Le dollar canadien a été puni de façon disproportionnée par les marchés, car le Canada a été l’une des premières cibles des mesures commerciales agressives de Trump. Si Trump passe d’une orientation bilatérale à des tarifs douaniers universels, les pressions sur le dollar canadien devraient s’atténuer. Dans ce scénario, les devises des pays dont les comptes commerciaux non énergétiques avec les États-Unis sont très déséquilibrés – la Chine, l’Union européenne et Taïwan – pourraient être les plus durement touchés par les pressions exercées par les marchés des changes.
La fourchette possible du dollar canadien au cours des prochains mois est vaste. Des concessions canadiennes menant à la résolution de la guerre commerciale entre le Canada et les États-Unis ramèneraient probablement le dollar canadien au-dessus de 0,71 $ US. Nous ne devrions pas entièrement écarter ce scénario, comme en témoigne la volte-face complète de Trump dans son différend avec la Colombie la semaine dernière, le président passant de menaces de tarifs douaniers de 50 % à une entente avec le président colombien en moins de 24 heures. En revanche, des tarifs douaniers permanents sur le Canada sans représailles complètes feraient probablement en sorte que le dollar canadien, déjà morose, se maintienne bien en deçà de 0,67 $ US dans un avenir prévisible.
À l’échelle mondiale, les actifs risqués ont connu une phase de lune de miel après les élections américaines, alimentée par les espoirs d’une baisse des impôts, d’un assouplissement de la déréglementation et d’une administration plus favorable aux entreprises aux États-Unis. L’anticipation d’une forte croissance aux États-Unis a alimenté l’optimisme à l’égard de la croissance économique mondiale, malgré la menace imminente d’une guerre commerciale. La décision du président Trump d’amorcer une guerre commerciale généralisée avec le Canada, le Mexique et la Chine a créé suffisamment d’incertitude pour remettre en question l’enthousiasme effréné à l’égard des actifs risqués, comme les actions. Même si l’intention est de déplacer la production dans le secteur manufacturier des partenaires commerciaux des États-Unis au profit de ceux-ci, la dislocation à court terme des chaînes d’approvisionnement devrait entraîner une hausse des forces inflationnistes et un ralentissement de la croissance économique partout dans le monde. La combinaison de ces facteurs donne à penser qu’un contexte plus volatil est à prévoir pour les marchés financiers.
Les actions canadiennes seront touchées à court terme, à mesure que la trajectoire incertaine des droits de douane se répercutera dans l’économie canadienne, ce qui entraînera des retards dans les investissements en capitaux et l’expansion, ainsi que des pertes d’emplois potentielles dans les secteurs les plus durement touchés, comme le secteur manufacturier. Mais il est également important de reconnaître que le risque à moyen terme pourrait être atténué au moyen d’un éventuel accord commercial bilatéral avec les États-Unis, et le soutien budgétaire et monétaire au pays – tous ces facteurs comportent un niveau élevé d’incertitude à quantifier, mais le soutien budgétaire et monétaire sont très probables.
Les titres à revenu fixe canadiens seront confrontés aux forces concurrentes découlant de la détérioration de l’économie intérieure et aux forces inflationnistes à court terme découlant des tarifs douaniers. Comme nous l’avons expliqué plus haut, nous nous attendons à ce que la Banque du Canada soutienne l’économie canadienne en assouplissant sa politique monétaire (dans une mesure plus grande que ce qui est actuellement pris en compte), ce qui continuera d’exercer des pressions à la baisse sur les taux d’intérêt à court terme. Parallèlement, les programmes budgétaires prévus, tant à l’échelle fédérale que provinciale, entraîneraient une hausse des émissions d’obligations à long terme. Les obligations de sociétés pourraient commencer à faire face à des difficultés ou à un ralentissement de la croissance et à une baisse de la qualité du crédit.
Sur le plan politique, le scénario selon lequel les Canadiens sont solidaires trouve un écho important à la lumière des données anecdotiques publiées dans les médias et les médias sociaux. De plus en plus de gens demandent que le Parlement reprenne ses travaux pour montrer l’unité dans l’ensemble du spectre politique. Le retour du Parlement favoriserait l’adoption du projet de loi sur la sécurité frontalière de 1,3 milliard de dollars qui a été mis de côté lors de la prorogation du Parlement, ou, au besoin, l’adoption d’un projet de loi de relance budgétaire pour aider les entreprises canadiennes et potentiellement les particuliers dans l’espoir de prévenir le chômage à grande échelle et une récession. À l’heure actuelle, rien n’indique que le premier ministre Trudeau rappellera le Parlement, ce qui donne à penser qu’il dispose déjà des outils nécessaires. Cette politique budgétaire est un facteur important dans les décisions de réduction des taux de la BdC, qui voudra éviter d’ajouter d’importantes mesures de relance monétaire en même temps, alimentant ainsi l’inflation, comme ce fut le cas après la pandémie.
Le contenu de cette communication (y compris les faits, les perspectives, les opinions, les recommandations, les descriptions de produits ou titres ou les références à des produits ou titres) ne doit pas être pris ni être interprété comme un conseil en matière de placement, ni comme une offre de vente ou une sollicitation d’offre d’achat, ou une promotion, recommandation ou commandite de toute entité ou de tout titre cité. Bien que nous nous efforcions d’assurer son exactitude et son exhaustivité, nous ne sommes aucunement responsables de son utilisation.
Ce document pourrait renfermer des renseignements prospectifs qui décrivent nos attentes actuelles ou nos prédictions pour l’avenir ou celles de tiers. Les renseignements prospectifs sont par leur nature assujettis, entre autres, à des risques, incertitudes et hypothèses pouvant donner lieu à des écarts significatifs entre les résultats réels et ceux exprimés dans les présentes. Ces risques, incertitudes et hypothèses comprennent, sans s’y limiter, les conditions générales économiques, politiques et des marchés, les taux d’intérêt et de change, la volatilité des marchés boursiers et financiers, la concurrence commerciale, les changements technologiques, les changements sur le plan de la réglementation gouvernementale, les changements au chapitre des lois fiscales, les poursuites judiciaires ou réglementaires inattendues ou les catastrophes. Veuillez soigneusement prendre en compte ces facteurs et d’autres facteurs et ne pas accorder une confiance exagérée aux renseignements prospectifs. Tout renseignement prospectif contenu aux présentes n’est valable qu’au 3 février 2025. Il ne faut pas s’attendre à ce que ces renseignements soient mis à jour, complétés ou révisés par suite de nouveaux renseignements, de nouvelles circonstances, d’événements futurs ou pour d’autres raisons.